Cartagène

Description

La Cartagène (Cartagena en occitan), est une boisson alcoolisée de type mistelle consommée à l'apéritif et typique du Languedoc. La mistelle est du moût de raisin dont la fermentation a été arrêtée par une addition d’alcool et qui sert à la préparation des « vins de liqueur » ou « vins mutés ». La Cartagène était traditionnellement fabriquée par les viticulteurs pour leur consommation personnelle.
Ce vin de liqueur doux se décline en rouge, rosé, blanc et doré. Il doit être fait avec du moût de raisin blanc ou rouge, issu de cépages languedociens (autorisés dans la zone d’appellation concernée) avec au moins 50% de grenache blanc ou noir.
Pour la Cartagène blanche, il est possible d’utiliser les cépages Chardonnay et Sauvignon, bien que ceux-ci ne soient pas typiquement languedociens. A ce moût de raisin, on ajoute de l’alcool vinique.
La Cartagène titre 16 à 18% d’alcool en volume. Elle contient environ 150 g/litre de sucres non fermentés. Ces éléments sont purement indicatifs puisqu’il n’existe pas de législation officielle. Ils sont conseillés par le Syndicat Interdépartemental (Aude, Hérault, Gard) de Défense de la Cartagène du Languedoc, créé en 1985.

 

Historique

La vigne s’est implantée dans le Languedoc dès l’Antiquité comme le montrent les fouilles menées à Marseille (fondée par les colons grecs de Phocée), à Ensérune (près de Béziers) ou à Lattes (près de Montpellier), site étrusque remontant au Vème siècle avant notre ère.
La conquête de la Narbonnaise par les romains, à la fin du IIème siècle avant J.-C. assoit définitivement le vignoble dans le paysage languedocien. 

Ce n’est que beaucoup plus tard que l’on prit l’habitude de renforcer le vin produit en excédent en lui ajoutant de l’eau de vie. Cet usage aurait été introduit en France par les hollandais qui voulaient mutter et frelater les vins pour mieux les conserver pendant les transports (cité en 1646 par Dion). Cela correspondait aussi au goût des populations du Nord pour les vins forts et doux, et aux besoins des marins.

Au XVIème siècle, les femmes des marins de l’Invincible Armada préparaient pour leurs maris une boisson qu'elles nommèrent carthagène. Celle-ci devait leur donner le courage d'affronter les colères de la mer, la peur et la solitude. Faut-il y voir l’origine de la Cartagène languedocienne ? D’autres sources indiquent que ce nom viendrait d’une méthode de vinification introduite en Languedoc par les carthaginois lors du passage d'Hannibal au cours de la deuxième guerre punique (219 - 201 avant J.-C..).
Le développement de la Cartagène est sans doute à mettre en relation avec le « privilège » de bouilleur de cru qu’accorda Napoléon aux vignerons (exonération de taxes sur les 10 premiers litres d’alcool pur distillé). En tout cas celle-ci existe déjà au XIXème siècle puisque le poète Frédéric Mistral se décrit « sirotant la Cartagène et fumant la pipe ». Le nom de Cartagène ne viendrait donc pas du Languedoc de Carthage mais de la composition de la boisson en quatre quarts (1/4 d’alcool et 3/4 de moût) et son étymologie viendrait du verbe « cartager » signifiant « labourer la vigne une quatrième fois ». Dès cette époque, il existe, à côté de la production domestique, une production commerciale, quoique limitée. En 1882, la Cartagène du domaine de Gallician, créé par Boissy d’Anglas (zone des Costières dominant la petite Camargue) est présentée au Concours Régional Agricole de Nîmes.

En 1989, la vingtaine de producteurs de Cartagène de la région avait engagé une demande de reconnaissance en AOC. Une visite d’une commission INAO a eu lieu en décembre 2001 : le dossier a été qualifié de complexe au vu de l’étendue de la zone de production, avec des moûts provenant de zones AOC et d’autres non, et la réforme alors en cours des appellations viticoles. La demande a donc été mise en sommeil. Les discussions avec l’INAO ont repris afin de déterminer quelle serait la meilleure façon de protéger le nom de cette fabrication. On assiste en effet depuis une quinzaine d’années à un regain de faveur de cette spécialité, notamment par souhait de diversification des viticulteurs.

Terroirs et productions

La zone de production traditionnelle de la Cartagène est la zone viticole du Languedoc et des Basses Cévennes (Gard, Hérault, Aude). L’eau-de-vie et le raisin servant à sa fabrication proviennent du Languedoc.
La production régionale annuelle est d’au moins 2 000 hl (150 000 bouteilles), essentiellement du fait de caves particulières.

Savoir-faire

Les producteurs utilisent  exclusivement des ingrédients viticoles. Pour le moût de raisin, il est conseillé d’utiliser plus de 50% de grenache et pour le reste d’autres cépages languedociens. Pour l’alcool, il est recommandé d’utiliser une eau-de-vie de vin d’origine réglementée Languedoc (AOR), celle-ci titrant au minimum 65% volumique.
Les proportions de moût et d’alcool varient selon le titre de ce dernier, sachant que l’on veut obtenir au final un vin de liqueur titrant 16 à 18°. On utilisera par exemple 4 volumes de moût pour un volume d’alcool à 86°.
L’alcool est rajouté immédiatement après le foulage léger du moût afin d’éviter le démarrage de la fermentation. Jadis, ce mélange était bouché en bonbonnes mises au grenier près d’une lucarne où il recevait la lumière favorisant son évolution. Aujourd’hui, après l’ajout de l'alcool, la mistelle est ensuite vieilli en cuve ou en foudre. Jeune, elle garde le goût du raisin. Plus vieille, elle évolue vers des arômes « rancio ». Certains domaines pratiquent un long élevage en fût (de plus de 15 mois), tandis que d’autres cherchent au contraire à en préserver le fruité initial en embouteillant rapidement.

Le Syndicat des Producteurs de Cartagène préconise un élevage minimum de 15 mois pour les Cartagènes ambrées et rouges avant commercialisation.

Usages

Le Languedoc était réputé, jusqu'au XXème siècle pour ses eaux de vie. La Cartagène est une boisson traditionnelle longtemps produite en petites quantités par les viticulteurs du pays pour leur consommation personnelle.

Elle était servie à l'occasion de fêtes, anniversaires, mariages, mais aussi lorsque l’on recevait quelqu’un... C’était un peu le symbole de l’hospitalité languedocienne.
La Cartagène peut se boire en apéritif, sa vocation traditionnelle, mais aussi en vin d’accompagnement, comme alternative aux vins liquoreux avec le melon, le chocolat, les fruits secs, le foie gras, les châtaignes et avec certains plats cuisinés.
On peut aussi servir la Cartagène vieillie sur du roquefort. Elle est servie froide.

Dans plusieurs villages sont organisés des concours de Cartagène destinés à l’émulation de« fabricants » amateurs. C’est le cas à Vauvert (où s’est créée une association destinée à sa revalorisation : les Anciens de la Cartagène Macabéo ) et à Gallargues-le-Montueux dans le Gard. À l’initiative de sa cave coopérative, Massillargues Attuech dans le Gard organise un festival de BD « Les bulles dans la Cartagène ».
Depuis 2001, l’Association des Producteurs présente des Cartagènes au Concours Général Agricole, dans la catégorie des vins de liqueurs (Pineau, Floc, Ratafia, Macvin...).

Préparer, Cuisiner, Déguster

  • Recettes gourmandes

Le marcassin à la Cartagène

Ingrédients :

- 1 cuissot de marcassin
- 2 verres de vin rouge
- 2 verres de Cartagène
- 2 cuillères à soupe de raisins secs (faire tremper 1h dans 1 verre de vin rouge)
- 1 sachet de riz long ou rond
- thym, laurier
- 2 oignons doux et secs
- beurre, farine, sel, poivre.

Préparation :

- Faire mariner le cuissot dans les 2 verres de vin rouge, 1 verre de Cartagène avec thym, laurier, sel, poivre pendant 24 h.
- Le lendemain, retirer le cuissot et le faire cuire à four chaud (15 mn/500 g).
- Faire réduire de moitié la marinade.
- Faire fondre 1 noix de beurre et 2 cuillères à soupe de farine et délayer avec la Cartagène.
- Ajouter à la marinade filtrée avec les raisins secs trempés.
- Découper la viande et napper avec la sauce.
- Servir chaud accompagné de riz long (de l’Aude ou de Camargue), préparé façon pilaf.
 

Cartagène « maison »
 

A faire soi-même

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans la région, beaucoup s’exercent à faire leur propre Cartagène, c’est un peu le symbole de l’hospitalité languedocienne. Voici une recette.

 Le 1er jour
* Matériel 
- Des seaux propres
- Un fouloir (ou vos petites mains…) pour écraser le raisin
- Un pressoir pour extraire le jus
* Ingrédients
4 l de jus de raisin frais (obtenu avec 5 à 8 kilos de raisin)
* Préparation
- Tout d'abord, écrasez le raisin à la main ou au fouloir afin d'en faire sortir le jus et la pulpe.
- Ensuite, pressez le tout pour en extraire le jus couleur rubis.
- Laissez reposer entre 12 et 24 h.

 Le  2ème jour
* Matériel
- Une bonbonne de 5 litres et son bouchon
- Un entonnoir
- Une passoire
- Un tuyau et un bâton
* Ingrédients
- Un litre d'eau-de-vie d’alcool à 90° (ou mieux une eau-de-vie du Languedoc à 71° mais il faudra mettre seulement 3 l de jus)
* Préparation
- Une fois le jus bien reposé, transvasez-le dans un seau propre.
- Pour ce faire, prenez un tuyau et fixez-y un bâton, que vous laisserez dépasser de 5 cm environ, afin de ne pas prendre la boue formée au fond du seau.
- Vous n'avez plus qu'à aspirer à l'autre bout et laisser couler dans un seau vide.
- Vous pouvez mesurer la densité du moût (teneur en sucre donc degré d'alcool potentiel) grâce à un mustimètre.
- Versez le litre d'eau de vie dans la bonbonne. Ajoutez-y les 2 litres de jus de raisin, en filtrant avec une passoire.
- Posez un bouchon sur la bonbonne sans l'enfoncer.
- Patientez au moins 40 jours avant de goûter votre breuvage ! En vieillissant, la Cartagène prendra une belle couleur ambrée.
- Servez frais, entre 6 et 8°C

 

 

SOURCES
- Wikipédia, educ-envir.org, abctoutvu.com, aci-multimedia.net, journalduvin.com 22 février 2012, -
- « Inventaire du patrimoine culinaire de la France, Languedoc-Roussillon, produits du terroir », CNAC - Editions Albin Michel 1998
- Histoire : source principale, inventaire CNAC cité ci-dessus, dans lequel figurent les auteurs et ouvrages mentionnés.

 

PHOTOS
Lycée agricole Marie Durand.