Truffe noire

Description

La Truffe Noire (Tuber melanosporum) est un champignon dont nous consommons la « fructification » : l’ascocarpe, de forme globuleuse, plus ou moins déformé et bosselé. Il pèse de 10 à 200 g voire plus. Il est composé de 2 parties. La « peau » (péridium) est rougeâtre puis brun foncé à maturité (d’où le nom de truffe « noire »).  La chair (gléba), claire avant maturité devient presque noire, avec des reflets violacés et de fines veines blanches lorsqu’elle est prête à être dégustée. Composée d’eau (75,5%), de protéines (5,5%), de lipides (0,5%), de fibres (16,5%) et de sels minéraux, elle dégage une odeur tenace et enivrante de terre mouillée et de feuilles décomposées. Sa saveur est délicate. Elle est récoltée de mi-novembre à mi-mars.

D’autres espèces de truffe poussent sur les mêmes terrains que la truffe noire mais n’ont pas la même saveur : la Truffe Brumale (Tuber brumale) récoltée à la même époque et la Truffe de Saint Jean ou Truffe Blanche (Tuber aestivum), récoltée au printemps et en été, à chair claire et assez fade.

Historique

Depuis l’Antiquité, la truffe a traversé les époques en restant mystérieuse.
C’est à la Renaissance que ses mystères commencent à être percés en Italie. En 1554, Mattioli découvre 2 espèces comestibles. En 1583 Cesalpino prouve que c’est un champignon. Vittadini identifie la Truffe Noire en 1831.

Dans la région, dès 1767, le Gazetin du Comestible recommande à ses lecteurs les Truffes de Sommières qui « sont petites » mais possèdent « un parfum délicieux ». Sous la Révolution, les marchés gardois sont les seuls à recéler des Truffes noires, si l’on en croit les Tableaux du Maximum de 1793-1794, qui en recensent des fraîches à Uzès et des sèches à Beaucaire.
Parmi les « provinces méridionales » où croît « ce végétal précieux » qu’est la truffe, le gastronome Grimod de la Reynière note en 1812, une « partie du Languedoc ». Il s’agit surtout du Gard, proche des importantes truffières de Provence ou du Comtat Venaissin.

A la fin du XIXème siècle, A. Joanne, mentionne la production de truffes de Saint-Sériès et Saturargues dans l’Hérault.
Au début du XXème siècle, La Lozère en récolte 6 t par an tandis que  les Pyrénées-Orientales et le Haut Vallespir se distinguent également. Ardouin-Dumazet note que la truffe y abonde sous le couvert des chênaies, apparemment depuis longtemps « car un annuaire de 1834 en vante le renom ». Un rapport sur le commerce des produits agricoles dans le département signale que les « truffes les plus renommées se récoltent à Montferrer, à Arles-sur-Tech, à Coustouges et à Saint-Paul-de-Fenouillet ».
Durant l’entre-deux-guerres, le guide UNA et le Trésor Gastronomique de la France recommandent encore les truffes de 14 localités de l’Hérault, de la Lozère, et du Gard. Puis, la fermeture des paysages amène la disparition des truffières et la chute de la production.

Si le Gard a encore produit 25 t de truffes en 1981, la région n’en produit guère plus de 8 tonnes aujourd’hui. La baisse de la production (dans la région, en France, en Europe) et la demande croissante, expliquent les prix aujourd’hui très élevés de la truffe  (500 à 600 € le kilo, en gros, en moyenne depuis 2005 contre 300 € 10 ans auparavant, 1000 € au kilo au détail). On la surnomme désormais « le diamant noir ».
Depuis les années 70 des programmes de recherche s’intéressent à la biologie de la truffe pour favoriser son développement. Aujourd’hui, la plus grande partie de la production provient de truffières créées par la main de l’Homme.

Terroirs et productions

Son terroir découle de sa biologie. Ce champignon souterrain est composé d’un appareil reproductif  (l’ascocarpe), et d’un appareil végétatif (le mycélium, enchevêtrement de filaments blanchâtres colonisant le sol pour transporter les substances nutritives). Il se trouve au pied des arbres avec lesquels il vit en symbiose. Il fournit à l’arbre de l’eau et des éléments minéraux puisés dans le sol tandis que l’arbre lui procure des substances qu’il est le seul à pouvoir synthétiser grâce à la photosynthèse.
C’est par les mycorhizes, un petit organe produit à la fois par les racines de l’arbre et la truffe que s’effectuent ces échanges. Au printemps (avril à juin), le mycélium s’enroule sur lui-même pour créer des « truffettes ». Le grossissement a lieu à la fin de l’été, et durant l’hiver, la truffe atteint sa maturité.

Trois exigences définissent le terroir favorable à la truffe : la présence d’arbres hôtes (chênes ou noisetiers), un sol calcaire et perméable au pH voisin de 8, un climat plutôt contrasté avec des hivers frais mais sans fortes gelées, des étés secs et chauds entrecoupés d’orage (au moment de son grossissement, le champignon a besoin de chaleur et d’humidité).
Un climat méditerranéen (sans été trop aride cependant) lui convient bien. La garrigue languedocienne, très calcaire et abritant chênes verts et chênes blancs constitue un terroir de choix.
La superficie trufficole du Languedoc-Roussillon est estimée aujourd’hui à 2000 hectares pour une récolte annuelle de 3 à 8 tonnes de Truffes Noires (Gard = 4,8 t en 2002/2003, Hérault = 1,7t) soit environ 10 à 20 % de la production nationale qui oscille autour de 40 tonnes/an. La Fédération Régionale des Trufficulteurs compte plus de 850 adhérents.

Savoir-faire

L’Homme intervient pour la cueillette de la truffe (cavage), l’entretien de truffières naturelles et la création de truffières. Avant le cavage il faut détecter la présence de la truffe. Celle-ci  se manifeste généralement par l’existence d’une zone sans herbe, « le brulé », autour ou à proximité de l’arbre avec lequel elle vit en symbiose. Elle pousse sur les racines à 15 cm de profondeur.

Trois animaux peuvent aider l’homme à la repérer : le chien, le cochon, la mouche. Le chien (de toutes races excepté les chiens de chasse) est le plus utilisé. Le cochon est peu utilisé car il est de plus en plus rare dans les fermes. La mouche (Suillia gigantea) est attirée par le parfum de la truffe pour pondre ses œufs. Cette méthode, préférée des anciens, demande patience, bonne vue et expérience. Une fois l’emplacement repéré, il faut creuser un trou assez large, avec un pic, de façon à ne pas détériorer la truffe.
Pour maximiser les chances de récolter des truffes, un entretien des truffières naturelles est nécessaire : débroussaillage, protection contre les sangliers. Enfin, le trufficulteur peut planter une truffière (150 à 350 arbres/ha, dans la région plutôt des chênes verts ou blancs), sur une parcelle appropriée et irrigable.
La mycorhization se produit spontanément dans es zones favorables mais depuis une trentaine d’années, des recherches de l’INRA ont débouché sur la production de plants d’arbres mycorhizés qui rendent un peu moins aléatoire la production.

Pour obtenir les premières truffes il faut attendre  5 à 10 ans. La récolte varie de 0 à 100 kg/ha selon les années, avec une moyenne de 4 à 6 kg. Les truffes vendues fraîches sont brossées pour ôter la terre. La Fédération Française des Trufficulteurs a défini en 1996 une norme (notamment les dates de récolte) pour garantir leur qualité.

Usages

Traditionnellement les truffes sont vendues en direct aux restaurateurs, aux particuliers ou sur des marchés de gros destinés aux professionnels (vente « au coffre » de la voiture ou par lot). Dans la région ceux-ci se tiennent chaque semaine dans le Gard (Bagnols-sur-Cèze, Anduze, Uzès). Depuis 20 ans ont été créés des marchés d’un ou deux jours, ouverts aux particuliers et contrôlés par les syndicats de producteurs qui surveillent la qualité des produits. Ainsi les 14 et 15 janvier 2012, Uzès, initiatrice de ces marchés, organisait son19ème Week-End de la Truffe. Douze autres marchés de ce type ont lieu de décembre à février, dans le Gard (Nîmes), l’Hérault (Saint-Geniès-des-Mourgues, Saint-Jean-de-Buèges, Claret, Saint-Pons-de-Thomières), les Pyrénées-Orientales  (Villefranche-de-Conflent, Collioure, Montner, Arles-sur-Tech, Lesquerde, Calce).
On peut y assister à des démonstrations (cavage, cuisine), à des conférences, ou simplement  acheter et déguster des truffes.

Avant l’achat d’une truffe, il faut s’assurer de sa fraîcheur, de sa maturité, de sa fermeté. Elle doit dégager de puissants arômes de chocolat, vin rouge, fromage, champignon. Il faudra aussi vérifier qu’il s’agit bien d’une Truffe Noire !
Elle se conserve plusieurs jours à 4°C environ. On peut la mettre dans une boîte avec des œufs, ceux-ci prendront le goût de la truffe et permettront de réaliser une délicieuse omelette !
Si autrefois on faisait des ragoûts de truffes ou des truffes au court-bouillon, aujourd’hui, vu son prix, on se contente d’en agrémenter des plats (un seul ascocarpe suffit pour plusieurs plats).
La truffe est cuisinée lors des fêtes de fin d’année mais c’est au mois de janvier qu’elle est la meilleure. Elle est mangée crue, en salade, avec des pommes de terre ou légèrement cuite avec des œufs en brouillade. 

Le tourisme truffier s'installe progressivement en région. Dans l’Aude, à Villeneuve-Minervois, la Maison de la Truffe du Languedoc a vu le jour en juin 2011. Ce musée ouvert de juillet à septembre permet, dans une galerie souterraine, de découvrir les différentes espèces de truffes. Dans le Gard, on peut visiter depuis avril 2012 les Truffières d’Uzès, une plantation de 15 hectares. Enfin, la trufficulture permet d’entretenir le paysage de l’arrière-pays méditerranéen et de lutter contre les incendies grâce à ces pare-feux peu coûteux.

Préparer, Cuisiner, Déguster

  • Recette gourmande

Salade aux truffes
 

Réalisation :

- La « feuille de chêne » verte, le "cœur de laitue" ou même la "mâche" conviennent très bien à cette préparation.
- Attention, ayez la main légère sur la sauce qui doit laisser ressortir le parfum de la truffe.                  
- Vinaigrette ou sauce citron selon votre goût, en utilisant plutôt des herbes fraîches que des oignons, de l'échalote ou de l'ail.
- La truffe sera râpée grossièrement sur la salade, parsemée légèrement de fleur de sel.

 

 

SOURCES
- Visites extérieures
- « L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France, Languedoc-Roussillon, produits du terroir, Editions Albin Michel CNAC - 1998
- Fiche technique truffe, Bernard Assenat, chambre d’agriculture du Gard, Septembre 2008
- Wikipedia,
- Le GardMag, avril 2012
- « Rapport relatif au développement de la trufficulture française », octobre 2006, Alain Escaffre, François Roussel, Conseil Général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux. Editions « la documentation française »
- « Le Cuisinier Durand, cuisine du Midi et du Nord », Charles Durand 1850, rééditions Lacour/Rédivia 1996
- http://www.fft-tuber.org ; http://www.franceagrimer.fr/fam/Autres-filieres/Truffe/La-filiere-en-bref - http://www.quechoisir.org/alimentation/produit-alimentaire/fruit-legume/guide-d-achat-truffes-ne-pas-se-faire-avoir-comme-une-truffe
- Histoire : source principale, inventaire CNAC cité ci-dessus, dans lequel figurent les auteurs et ouvrages mentionnés
- Recette : le diamantnoir.com

 

PHOTOS
- Bernard Assenat, Chambre d’Agriculture du Gard.