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Brandade de Nîmes

Description

La Brandade de morue (Brandade de Nîmes quand elle est fabriquée dans cette ville) est une pâte de couleur blanche composée de morue, d’huile d’olive et de lait. Cette pâte pourra ensuite être agrémentée d’ingrédients divers qui ne font pas partie de la composition de base, même si les débats sont nombreux quant à l’incorporation ou non d’ail dans la brandade. Dans tous les cas, la pâte ne comporte pas de pommes de terre.
Dans les conserves, l’huile d’olive est remplacée par une autre huile végétale.

Historique

La Brandade est une spécialité de Nîmes à base de morue ou plus précisément de merluche qui était le nom donné au merlu salé et séché, un poisson pêché en Méditerranée, avant de devenir le nom local de la morue.

* La morue fut importée du Nouveau Monde via le port de Sète ou ceux du Grau-du-Roi et d’Aigues-Mortes (tous deux voisins), à partir de la découverte, à la fin du XVème siècle, des énormes bancs de cabillauds (morue fraîche) dans les eaux glaciales de Terre-Neuve.
Selon Charles de la Morandière, entre le XVIème siècle et la fin du XVIIème siècle, près de la moitié des pêcheurs français étaient occupée à pêcher ce poisson. Les seuls moyens pour pouvoir le conserver étaient le séchage et le salage. Il y avait donc pour eux 2 possibilités, soit vendre  la morue salée et séchée dans les contrées du Nouveau Monde, soit vendre de la « morue verte » (seulement salée).
Les pêcheurs des mers du nord venaient donc régulièrement s'approvisionner en sel sur les salins d'Aigues-Mortes. Ils troquaient leur pêche contre du sel de mer. C’est ainsi que des tonnes de morue se sont échangées contre des sacs de sel. En dehors de ce troc, la morue verte, une fois arrivée en France, se vendait telle quelle, ou était transformée en morue sèche, à Bordeaux ou à Sète.
En 1892, P Joanne, dans son Dictionnaire Géographique et Administratif de la France signale qu’à Sète « les sècheries de morue reçoivent environ
5 millions de morue verte par an ». Une fois séchée une partie de cette morue était sans doute expédiée à Nîmes, ville industrieuse, la plus peuplée de la région à l’époque.

* Cette morue séchée et salée convenait parfaitement au climat sec et chaud du sud de la France. La petite histoire raconte qu’une nîmoise eut l'idée de broyer la chair de morue dans un mortier de pierre, de la délayer et de la mélanger à l’huile parfumée des garrigues environnantes.
On appela ce nouveau plat Brandade, du mot "brandado", participe passé de "brandar" qui signifie "remuer" en provençal.  La brandade est citée pour la première fois, en 1788, dans l’Encyclopédie Méthodique. Il y est précisé que les merluches sont coupées en morceaux, et mises dans une poêle avec de l’ail finement haché. On y ajoute de l’huile petit à petit qui « à force de bras doit se lier avec la pâte d’ail et le poisson ».

* En 1803, l’Almanach des Gourmands de Grimod de la Reynière, nous apprend que l’on peut manger la brandade à Paris chez les Frères Provençaux « renommés pour leurs ragoûts, l’ail et leur excellente brandade de merluche ». Deux ans plus tard il précise : « Parmi les ragoûts provençaux ou languedociens qui ont pris singulièrement faveur à Paris, et dans lequel l’ail joue un grand rôle, il faut distinguer surtout les brandades de merluche ».
Il donne ensuite une recette « telle qu’elle nous a été communiquée dans une ville du Languedoc, qui, sous le rapport de la bonne chère jouit d’une réputation éclatante et méritée ». Grimod indique d’ajouter alternativement du lait et de l’huile aux morceaux de merluche préalablement pochés jusqu’au point où « la merluche se réduit en une espèce de crème ». Grimod ne précise pas qu’elle est cette « ville du Languedoc ».
En 1830, Durand publie « Le Cuisinier Durand : recettes du Midi et du Nord ». Ce célèbre cuisinier qui fut 13 ans au service de l’archevêque d’Alès, assure la promotion de la brandade à Paris où il s’expatrie avant d’ouvrir à Nîmes un restaurant qui restera célèbre jusqu’à la dernière guerre. A partir du milieu du XIXème siècle, la fabrication de la brandade devient une industrie nîmoise. A l’instar de la recette du cuisinier Durand et à la différence de bien d’autres endroits, la Brandade de Nîmes est souvent moins aillée que ses cousines provençales ou parisiennes.

* Depuis le début du XXème siècle les entreprises gardoises commercialisent leur brandade en conserve dans toute la France. Elles ont remplacé l’huile d’olive dont le goût est dénaturé au delà de 115°C, par de l’huile de colza. Aujourd’hui elles proposent aussi des brandades plus proches de l’esprit du produit original (avec une pointe d’huile d’olive, en barquette sous vide…). L’avenir de la brandade de morue aurait pu être sombre avec la disparition des bancs de cabillauds des mers du Nord, mais d’autres poissons proches pêchés dans l’hémisphère Sud peuvent aujourd’hui prétendre à cette dénomination !

Terroirs et productions

Il serait abusif de parler de « terroir » pour la brandade…quoique… La brandade est née de la rencontre entre trois ingrédients qui ne pouvaient se trouver réunis qu’à Nîmes : le sel marin récolté à cinquante kilomètres de là dans les salins d’Aigues-Mortes ou dans un des salins du littoral languedocien, nombreux à l’époque, le merlu local remplacé plus tard par la morue, l’huile d’olive abondante ici. Elle doit aussi sans doute son succès à la structure sociale de cette ville si industrieuse du XVIIème au XIXème siècle quand la recette fut popularisée.

A Nîmes, la brandade est fabriquée essentiellement par deux entreprises : l’entreprise Raymond qui commercialise les marques Raymond Geoffroy, Brandade Raymond, Casabel et Le Mazetier, et Les Ateliers du Moulin, qui fabriquent de façon artisanale une brandade vendue notamment aux Halles de Nîmes. Dans la région d’Alès, lieu de naissance du Cuisinier Durand, on trouve l’entreprise Coudène. Traiteurs et restaurants de la région mitonnent aussi leur « brandade maison ».

Savoir-faire

La clé du savoir-faire nécessaire à la réalisation de la brandade réside dans son nom. Brandade vient de « brander » qui veut dire «remuer» en provençal. Remuer longuement morue, lait et huile d’olive, voilà tout l’art de rendre moelleux, onctueux, un ingrédient (la morue)  très sec au départ !

Voici la recette originale donnée par Charles Durand en 1830 :

« Faire tremper la morue un couple de jours ; dans cet intervalle changez-la d’eau quatre ou cinq fois. Quand vous voudrez la préparer, vous la ferez blanchir dans une casserole ; l ‘eau doit la couvrir en entier ; lorsque vous verrez qu’elle est près de bouillonner, versez-y un verre d'eau fraîche, vous la retirerez du feu et la couvrirez ; faites ensuite égoutter la morue ; ôtez-en les arêtes et le bout de la tête qui est toujours mauvais ; après quoi vous la mettrez dans une casserole avec un jus de citron ; vous donnerez à la casserole un mouvement de rotation continuel pendant qu’une autre personne versera goutte à goutte de l’huile d'olive qui doit lier à la morue. Quand celle-ci sera liée et épaissie au point de s’attacher à la casserole, quoique vous continuiez à la remuer fortement, vous y verserez doucement un demi-verre de lait ou d’eau bouillante. En remuant toujours la casserole à deux mains, la morue s’en détachera d’elle même, vous continuerez alors d’ y faire tomber de l’huile, et quand enfin elle sera bien liée et fera crème, vous y mêlerez des tranches de truffes, du persil, un peu d’orange, de sauce et d’anchois. Ces trois derniers objets doivent être hachés, et le tout passé deux minutes sur le feu avec de la bonne huile. On peut ajouter un peu d’ail à cette préparation, si on ne le craint pas. Il n’est pas de rigueur ».

Cette recette gastronomique ajoute à la pâte de base bien d’autres ingrédients comme la truffe mais l’on peut remarquer comme il est important de bien remuer la préparation, à tel point qu’il faut s’y mettre à deux !

Usages

De nombreuses recettes locales, telles que l’aïoli, utilisent la morue. La brandade est une des façons de l’accommoder qui se prête bien à une fabrication artisanale ou même industrielle.

Elle a beaucoup inspiré les écrivains. Alphonse Daudet préconisait « qu’on y mît de l’ail, ou du moins qu’on en frottât les bords de la casserole ». Frédéric Mistral recommande l’usage de l’ail mais en gousses écrasées. Alexandre Dumas insiste sur le geste du cuisinier : « La perfection des brandades dépend surtout du mouvement imprimé pendant très longtemps à la casserole et qui seul opère l’extrême division de toutes les parties du poisson, naturellement coriace, et le métamorphose en une espèce de crème ». La brandade est servie avec un soupçon d’huile d’olive et des pommes de terre à l’eau, mais aussi en croquettes.

À Nîmes, la brandade se mange le jour de Pâques et le Vendredi Saint. On la prépare truffée pour Noël. Elle agrémente souvent les toasts servis à l’apéritif, ou des tartes.

Au Moyen Âge et à la Renaissance, Nîmes était dirigée par des consuls qui représentaient le peuple et organisaient des fêtes et des spectacles destinés à mettre en valeur le patrimoine de la cité. Aujourd’hui, ils ne gèrent plus la ville mais organisent des manifestations festives autour de la gastronomie locale. Ainsi une Fête de la Brandade et du Sel est organisée en octobre au Grau-du-Roi, et une Brandiflette géante à Bouillargues, lors de la fête votive.

Préparer, Cuisiner, Déguster

  • Recette gourmande

Gratin de brandade du Gard

Par Christophe DONNET pour Le Gard, Militant du Goût
 

Ingrédients :

• 5 oignons doux des Cévennes
• 2 pommes reinettes du Vigan
• 1 petite truffe d’Uzès (5 g)
• Huile d’olive de Nîmes
• 1 verre de lait
• Noix de muscade
• Poivre noir du moulin
• Baie rouge
• Chapelure de pain Raspaillou

Préparation :

- Pochez doucement la morue dans un mélange d’eau et de lait froids, et faites monter en chaleur jusqu’au frémissement. Ajoutez un peu de noix de muscade et laissez mijoter jusqu‘à ce que la morue devienne tendre. Stoppez, égouttez et émiettez la morue à la fourchette en ajoutant un peu d’huile d’olive jusqu’à l’obtention d’une pâte. Poivrez et râpez la truffe dans la préparation. Réservez.

- Faites par ailleurs revenir les oignons et les pommes coupés finement dans une casserole avec un fond d’huile d’olive et un peu d’eau en remuant fréquemment jusqu’à l’obtention d’une pâte homogène. Ajoutez quelques baies rouges (poivre rouge).

- Dans un plat à gratin, étalez d’abord la brandade et recouvrez avec la préparation d’oignons et de pommes. Ajoutez la chapelure obtenue en émiettant le pain que vous avez préalablement laissé durcir.

- Mettez au four chaud (180°) pendant 15 à 20 mn. Ajoutez un peu de persil frais et servez chaud.

Conseil vin : un blanc viognier du Gard vieilles vignes.

 

 

SOURCES
- « Inventaire du patrimoine culinaire de la France, Languedoc-Roussillon : produits du terroir - Editions Albin Michel/CNAC
- « Petite histoire de la gastronomie du Languedoc-Roussillon », André Soulier, 2011, édition Nouvelles Presses du Languedoc »
- « La Gazette des Saveurs », supplément de la Gazette de Nîmes n°601
- Halles de Nîmes : visite guidée organisée par le Président des étaliers
- Rencontre avec « les olives Daniel » (artisan fabriquant de la brandade dans les « Ateliers du moulin »)
- Sites internet : www.gard.fr ; www.militantdugout.gard.fr ; www.coudene.com ; jean-luc-mercier.suite101.fr (recette de la veritable brandade de morue) ; brandadedenimes.com ; mangezdupoissonpourunebonnesantee.com
Histoire : source principale, inventaire CNAC cité ci-dessus, dans lequel figurent les auteurs et ouvrages mentionnés.

 

PHOTOS
- Photo principale de la brandade et Morue séchée : Fotolia
- Restaurant "Les frères provençaux" : ja6.free.fr (LD)
- Recette de la brandade : Lycée Agricole Marie Durand Nîmes-Rodilhan
- Fête votive : lacalmette.midiblogs.com