Alose

L’Alose feinte et la grande Alose

Présentation

Poisson migrateur amphihalin argenté, l’Alose est de la famille du Hareng. Son corps allongé mesure de 40 à 70 cm, pour un poids de 1.5 à 3 kg à l’âge adulte. Son dos est bleu-vert foncé et son abdomen bien arrondi. Ce qui la caractérise le plus est sa queue très fourchue.
On distingue plusieurs espèces d’Aloses : « l’Alose vraie » ou « grande Alose » (Alosa alosa) exclusivement trouvée dans les eaux littorales et continentales de la Manche et de l’Atlantique et « l’Alose feinte » (Alosa fallax) que l’on trouve aussi en Méditerranée.
Lors de sa première migration, encore alevin ou au stade juvénile, elle quitte les cours d’eau, où elle est née, pour rejoindre l’Océan. Elle va s’y développer en se nourrissant  essentiellement de plancton, parfois de petits poissons.
Sa deuxième migration, à l’âge adulte, l’amène à remonter les estuaires, fleuves et cours d’eau pour venir frayer en eau douce. 
Les mâles ont une longévité de 6 ans et les femelles de 7 ans, parfois 8.

Historique

* Lorsque Auzone vivait à Bordeaux au IVème siècle, l’Alose était abondante mais peu prisée, considérée par le poète comme un « met populaire » qui « grésille sur les feux ».
Ce n’est que vers le XIIIème siècle qu’est référencée « l’Alose de Bourdious » dans la liste des produits vantés à Paris, apparaissant sur la table des
« grands ».

* Dartigues, par exemple la trouve « fraîche, et salée », dans les comptes d’Henry d’Albret en 1538, pour ses résidences du Sud Ouest.
En 1606, J. Duschesne précise en parlant du Colac (Alose en Gascogne) : « Celuy de la rivière Garonne est un excellent manger ».
A Agen au XVIIIème siècle, le secrétaire et le trésorier de la ville se voyaient offrir un quartier d’Alose fraîche le jour du Vendredi Saint.
Elle avait la réputation de soulager le foie. Les paysans la capturaient en abondance en tendant deux nasses en travers des rivières et la vendaient sur les grands marchés régionaux, ce qui leur fournissait un bon revenu.
 
* Au XIXème siècle les Aloses étaient après les anguilles, les poissons les plus pêchés en eaux douces, spécialement dans l’Adour.
Depuis le XXème siècle elles subissent les conséquences des activités humaines et les ponctions de la pêche.
Les pêcheurs professionnels ont vu leur nombre diminuer dans le bassin de la Gironde, même s’ils ont stabilisés leurs effectifs par un système de compagnonnage. Quant à la pêche non professionnelle, elle est importante sur la Gironde mais difficile à évaluer.

Terroirs et production

En raison de son cycle de poisson migrateur, on pêche « l’Alose vraie » dans les estuaires, les fleuves et rivières de la côte Atlantique au moment où elle vient frayer pour se reproduire en eau douce au début du printemps (d’avril à juin). 
Mais, ces espèces très fragiles se font de plus en plus rares. La « grande Alose » est menacée de disparition.
La pêche, lorsqu’elle est autorisée, est aujourd’hui très réglementée : taille minimale de 30 cm, de mars à juin sauf les week-ends.
Les Aloses ont pâti de multiples altérations de leurs écosystèmes : barrages constituant des obstacles majeurs à l’accès aux frayères, destruction de frayères par extraction de graviers (ex : celle de Toulouzette sur l’Adour), pollutions et altérations de la qualité physique et chimique des eaux fluviales. La pression des pêches a provoqué une diminution du nombre de géniteurs.

C’est au Portugal et en France que les Aloses viennent se reproduire en plus grand nombre.
Des études récentes montrent que le bassin de la Garonne héberge les effectifs les plus élevés. Des programmes de protection sont donc mis en place afin d’assurer le maintien de sa population, aménagement de passes pour étendre son aire de reproduction plus en amont des cours d’eau, et même suspension de sa pêche.
En 2008 un élevage à Bruch, dans le Lot et Garonne, a été inauguré dans le cadre d’un programme de repeuplement du Rhin où, il y a 150 ans, des centaines de milliers d’Aloses étaient pêchées chaque année.
Le repeuplement en larves d’Aloses provenant de la région Aquitaine devra permettre de repeupler le système Rhénan, d’une population adulte saine et en âge de se reproduire.

Savoir-faire

La grande Alose est capturée de mars à juin (quand sa pêche est autorisée), au « trémail ou tramail » (voir photo ci-dessus) filet tenu à la main par le pêcheur, posté dans une petite embarcation qui dérive dans le courant, dans l’estuaire de la Gironde et dans les zones mixtes de la Garonne et de la Dordogne.
Sur la Garonne, quelques « baros » et le « coul » (sorte d’épuisette) sont des modes de pêches traditionnels. Une très grande diversité de types de pêche est observée en fonction de la zone, du statut des pêcheurs, des techniques…

Usages

* Dès les beaux jours, traditionnellement la grande Fête de l’Alose commençait autour de l’estuaire et sur les berges de la Garonne et de la Dordogne, où de nombreuses manifestations communales ou associatives étaient organisées.
Depuis 2008, il a été interdit de pêcher l’Alose dans la Garonne (moratoire de 5 ans), et certaines fêtes qui lui étaient totalement dédiées se sont transformées : la Fête de l’Alose de Beautiran, par exemple, a été remplacée par la Fête de la Garonne. La Confrérie de l’Alose et des Vins de Graves reste néanmoins active en Gironde et dans les Pyrénées-Atlantiques, une association est dédiée à l’espèce.

* L’Alose est « un des canons » de la gastronomie du Sud-Ouest, car elle bénéficie d’une chair fine et savoureuse. Ses nombreuses arrêtes, ne sont pas un frein à la dégustation, à condition de savoir la préparer.
La tête et l’arrête dorsale retirées, on l’arrose d’un simple beurre fondu ou d’une sauce verte. Cuite au four, elle est garnie et accompagnée d’une préparation à l’oseille. Elle est aussi souvent grillée lentement, entière ou coupée en darnes, enroulées dans des feuilles de lauriers-sauces, sur des braises de sarments de vignes.
Dans tous les cas, on l’accompagne d’un blanc de Graves sec ou d’un Entre-Deux-Mers.

Préparer, Cuisiner, Déguster

  • Recettes gourmandes

Alose grillée à l'oseille ou à la sauce verte

- Glisser à l’intérieur de l’Alose quelques feuilles d’oseille.
- Coudre l’ouverture et inciser les flancs.
- Enduire le poisson d’huile d’olive, puis griller sur des braises de sarments 10 mn de chaque côté.
- Grillée, elle peut aussi être arrosée d’une « sauce verte » : œufs durs écrasés, huile d’olive, oignons blancs, ciboulette et persils.

Alose au four

- Huiler un plat allant au four et en tapisser le fond avec du jambon de Bayonne en tranches fines.
- Placer l’Alose dessus.
- L’arroser de 2 ou 3 cuillères d’huile d’olive. Faire cuire à four assez chaud, à raison de 20 mn/kg.
- Servir très chaud en garnissant d’oseille en branches, préalablement ébouillantée et égouttée.

 

SOURCES
- IRSTEA de Bordeaux et confrérie de l’alose et des vins de Graves
- Inventaire du patrimoine culinaire de la France - tome 13 : Aquitaine chez Albin Michel/Cnac
- Relectures et validation : M et Mme Crivelli G. - Confrérie de l’alose et des vins de grave de Beautiran (33)
- M. CASTELNAUD G. de l’IRSTEA de Bordeaux (ex-CEMAGREF)
CREDIT PHOTO
- l’IRSTEA et la Confrérie de l’Alose et des Vins de Graves de Beautiran