Agneau de lait

L'agneau sous la mère en Languedoc-Roussillon

C’est une viande d’agneau jeune, tendre, de couleur claire (rosée), d’odeur très faiblement prononcée, fine et savoureuse, provenant de l’élevage traditionnel méditerranéen. L’agneau est élevé en bergerie, abattu jeune et nourri du lait de sa mère, avec deux possibilités : agneau léger abattu entre 60 et 90 jours pour une carcasse de 12 à 14 kg, agneau plus lourd de 90 à 120 jours avec un poids vif de 33 kg maximum pour une carcasse de 15 à 18 kg. Il reçoit alors en complément du lait de sa mère une alimentation à base de céréales.
Ces agneaux ne sont pas sevrés avant l’abattage. Leur alimentation essentiellement lactée donc pauvre en fer (pas d’herbe), explique leur viande rosée et savoureuse. Ils sont en général de races rustiques du sud de la France, susceptibles de valoriser des herbages maigres.
L’agneau de lait (ou laiton), très léger, est abattu très jeune (1 mois) à 12-15 kilos de poids vif, soit 8 à 12 kilos de carcasse.

Plusieurs signes de qualité existent : IGP Agneau de Lozère ou Elovel  (depuis 2008), Label Rouge El Xaï (depuis 2004 dans les Pyrénées-Orientales), Label Rouge Agneau fermier du Pays d’Oc (depuis 1994 pour tout le Sud-Ouest).

Historique

* Comme dans bien des régions méditerranéennes, le mouton constitua jusqu’au XIXème siècle la principale viande des habitants.
Bruyerin-Champier au XVIème siècle et Olivier de Serres vers 1600 affirment que sa qualité gustative était médiocre comparée à celle des viandes ovines du Limousin ou du Berry ou à celle des viandes bovines, car les ovins du Languedoc étaient surtout élevés pour la laine.
Toutefois dès 1767, le Gazetin du Comestible recommande à ses lecteurs « les moutons très estimés » de Gange. Ces mêmes moutons sont consommés à Paris comme l’affirme M. de Roquefort en 1815.

* Au XIXème siècle, la vocation lainière persiste mais la qualité de la viande s’améliore. A côté de la race Mérinos d’Arles dont la laine est très recherchée et qui se développe dans la région, existent des races locales à la chair excellente, identifiées par Guillaumin en 1841 comme « la race du Languedoc et du Gévaudan » et « la race du Roussillon ». La diversification des races est patente dans la seconde moitié du XIXème siècle. Dans les Causses du Gard, on trouve ainsi Caussenardes, Sommeirols, Camarguines, et Barbarines.
Vers 1880, le troupeau régional est très fourni : Aude 380 000 têtes, Gard 347 000, Lozère 315 000, Hérault 294 000, Pyrénées-Orientales 150 000 selon Joanne (journaliste français).
Les agneaux des Cévennes, élevés dans la garrigue l’hiver sont « vendus jeunes » mais leur « chair est délicate ». A côté du mouton gras, les languedociens goûtent en effet l’agneau de lait ou de campagne, mentionnés tous les deux  par le Tableau du Maximum établi en 1793 pour le Gard. L’agneau sous la mère est le digne héritier de cette longue et riche tradition !

* Depuis, l’élevage ovin a fortement diminué sous l’effet de l’extension de la vigne, de la mévente de la laine, du fumier remplacé par des engrais chimiques, de la circulation automobile qui rend difficile le passage des troupeaux, de la concurrence de viandes ovines importées…et enfin de la difficulté à trouver des bergers pour assurer la transhumance, indispensable dans cette région aux étés secs.

Cette régression a mis en difficulté certains abattoirs qui ne pouvant financer leur mise aux normes, ont dû fermer leurs portes. La fermeture de
l’abattoir de Nîmes en 2006 a mis fin au réputé Agneau de Nîmes ! Le pâturage nourrissait les brebis tout en entretenant la garrigue (pas besoin de débroussaillage ou d’écobuage). Avec la disparition des troupeaux, des paysages se ferment, des lieux de promenade ne sont plus accessibles, les risques d’incendie augmentent.  Certaines communes cherchent donc à attirer des bergers pour entretenir leur territoire mais les résultats ne sont pas probants. Sur la garrigue héraultaise et gardoise, on ne compte plus qu’une vingtaine d’éleveurs ovins.

Après une période (années 80/90) de concentration et de spécialisation, on observe l’émergence d’élevages de taille plus modeste résultant de la pluriactivité des éleveurs ou de leur diversification. On assiste d’un côté au développement des circuits courts, de l’autre à un effort  de labellisation des agneaux commercialisés par des groupements de producteurs.

Terroirs et productions

Ces agneaux proviennent de systèmes pastoraux de garrigue, de plaine ou de montagnes sèches mais aussi, en Lozère, de systèmes herbagers de type  Massif Central.
Le recours à la transhumance est fréquent.
En 2008, 1080 éleveurs d’ovins à viande de la région ont produit 205 150 agneaux  (400 en Lozère, 280 dans l’Aude, 200 dans le Gard, 100 dans les Pyrénées-Orientales, 100 dans l’Hérault).
On compte 11 abattoirs.

Savoir-faire

L’élevage traditionnel, extensif, est basé sur l’optimisation des ressources pastorales pour favoriser la production laitière. Le pâturage des brebis se fait sur un parcours (de garrigue par exemple), une culture fourragère ou en estive.
Les agneaux sont le plus souvent élevés en bergerie où ils sont nourris sous la mère (celle-ci n’est séparée d’eux que quand elle sort sur la pâture). Ils peuvent aussi, en Lozère, être élevés sur des herbages avec leur mère.
En été, l’herbe se faisant rare, les brebis gardoises ou héraultaises estivent dans les Cévennes et les brebis catalanes dans les Pyrénées.

* L’IGP Agnelet et Agneau de Lozère (ou Elovel) garantit que l’agneau de race Blanche du Massif Central (une race rustique locale appelée aussi Blanche de Lozère), est né, élevé et abattu en Pays de Lozère (Lozère et quelques communes limitrophes, en Ardèche, Cantal et Haute-Loire).
Son mode d’élevage est extensif. Il tête sa mère jusqu’au troisième mois, et peut recevoir si nécessaire un complément de foin ou de céréales. Il est abattu à moins de 130 jours.
* Le label rouge El Xaï remplace la marque « Agneau Catalan ». Il garantit que l’agneau est élevé sous la mère jusqu’au sevrage (60 jours minimum) puis est nourri en bergerie avec des céréales. Pesant de 12 à 15,5 kg de carcasse il est abattu à un âge compris entre 60 et 90 jours. C’est un jeune agneau, de type léger. Seules les races rustiques peuvent bénéficier du label (Blanche du Massif central, Lacaune, Romane, Limousine, Noire du Velay, Grivette, Rava, Bizet, Rouge du Roussillon (race locale),Tarasconnaise, Préalpes du Sud, Mérinos d’Arles). Les agneaux doivent tirer leur principale alimentation du lait de leur mère.
* Le label rouge Agneaux fermiers du pays d’Oc, garantit que l’animal ne peut être sevré qu’à partir de 70 jours, il peut être abattu jusqu’à 150 jours. Une partie seulement correspond à un agneau sous la mère.
* Le label « Pays Cathare » est une marque collective du Conseil Général de l’Aude créée au départ pour promouvoir les sites touristiques, puis attribuée aussi aux producteurs. 50 éleveurs de la Coopérative Audecoop bénéficient du label Agneaux du Pays Cathare qui garantit un agneau né, élevé et vendu dans l'Aude. Nourri au lait de sa mère, il finit sa croissance en consommant des céréales.
* En Lozère, on trouve aussi la marque collective Agneau du Gévaudan (qui bénéficie de la marque collective De Lozère créée par le Conseil Général) et  les Agneaux de Parcours. Ces agneaux d’herbe, âgés de 3 à 10 mois sont nés et suivent leur mère sur le territoire du Parc National des Cévennes. Dix éleveurs valorisent l’espace avec ce produit saisonnier.

Usages

L’agneau est surtout consommé lors des fêtes religieuses (Pâques, Aïd El Kebir, Noël, repas de baptême).
Des Fêtes de la Transhumance font découvrir l’élevage ovin au public. Ainsi, à l’Espérou (Cévennes gardoises), une fête est organisée en mai-juin depuis 21 ans à l’occasion du départ des troupeaux de garrigue vers la montagne cévenole pour 6 mois d’estive. On voit passer les troupeaux, on assiste à des démonstrations de tonte, de chiens de berger…
De telles fêtes ont aussi lieu au col de Bonnecombe (en Lozère dans l’Aubrac), à Osseja (dans les Pyrénées-Orientales), à Vendres dans l’Aude ou à Clermont-l’Hérault.
Les moutons ont marqué le paysage de la région. Grâce à eux s’est constitué le paysage emblématique de la garrigue du Gard et de l’Hérault. Dans les Cévennes, ils sont à l’origine des drailles, chemins affectionnés des randonneurs.
Autrefois, les plateaux montagneux de la Margeride et du Mont Lozère étaient parcourus tout l'été par les brebis transhumantes. Aujourd’hui seuls quelques troupeaux réalisent chaque année ce long voyage et beaucoup de drailles commencent à disparaître sous les broussailles.

Les Grands Causses sont eux le territoire de prédilection de l'élevage ovin sédentaire. Ce paysage des Causses et Cévennes, issu de l’agro-pastoralisme méditerranéen vient d’être classé au patrimoine mondial de l’Unesco. L'objectif est de le conserver par la perpétuation des activités traditionnelles, en apportant un soutien à celles-ci.

Préparer, Cuisiner, Déguster

  • Recette gourmande

Epaule d'agneau aux asperges
 

Ingrédients :

Pour 4 personnes :

- 600 g d’épaule d’agneau sans os (choisissez si possible l’agneau « El Xaï» catalan ou Elovel de Lozère)
- 2 oignons des Cévennes
- 1 cuillérée à soupe d’huile
- 1 cuillérée à soupe de farine
- 1,5 dl de vin blanc (picpoul)
- 3 tomates
- 2 gousses d’ail
- 1 bouquet garni
- 1 cuillérée à soupe de concentré de tomates
- 20 asperges vertes
- 1 botte de ciboulette
- Sel et poivre noir

Préparation :

- Coupez les tomates en cubes. Hachez l’ail. Coupez les oignons
- Dans une grande cocotte, faites rissoler  l’agneau avec les oignons. Tous les morceaux doivent être bien colorés. S’il le faut, procédez en 2 fois.
- Ajoutez la farine et faites cuire à feu modéré pendant 5 minutes tout en remuant.
- Versez le picpoul et faites bouillir 2 minutes toujours en remuant
- Incorporez les tomates, l’ail, le bouquet garni, le fond de volaille et le concentré de tomates dans la cocotte. Portez à ébullition.
- Couvrez la cocotte et laissez mijoter à feu doux pendant 45 minutes environ.
- Pendant la cuisson, épluchez les asperges et cuisez-les dans l’eau bouillante salée, elles doivent être fermes. Egouttez les asperges puis coupez-les en 3.
- Hachez la ciboulette
- Ajoutez les asperges et la ciboulette dans la cocotte et laissez mijoter encore 5 minutes environ.
- Servez avec de la semoule ou du riz de Camargue.

Recette : La Gazette des Saveurs, supplément à la Gazette de Nîmes n°601.

 

 

SOURCES
- Visite de l’exploitation de Monsieur et Madame Hugon à Saint Laurent d’Aigouze - Rencontre avec « les écologistes de l’Euzière »
- « L’inventaire du patrimoine culinaire de la France, Languedoc-Roussillon, produits du terroir et recettes traditionnelles, Editions Albin Michel CNAC, 1998
- www.suddefrance.tv/produits/viandes/agnelet-et-agneau-de-lozere-elovel, www.label-viande.com/fil-rouge-nos-produits-agneau-oc
- « Etat des lieux de l’élevage, 2009-201 » Languedoc-Roussillon Elevage,
- Histoire : source principale, inventaire CNAC cité ci-dessus, dans lequel figurent les auteurs et ouvrages mentionnés.

 

PHOTOS
« Agneaux et leurs mères » : Fotolia ; « Troupeau dans la garrigue » : www.boucheriecausadias.com ; "Agneaux couchés" : www.flickr.com/photos/cevennes-tourisme