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Taureau de Camargue

Description

Deux races de taureaux peuvent prétendre à la dénomination Taureau de Camargue, la race Camargue proprement dite (ou Raço di biou) et la race de combat (ou Brava). Le croisement des deux est aussi accepté.
Les deux ont une robe noire (quelques sujets brunâtres) mais le Raço di biou se distingue par un format plus petit et des cornes très développées, longues et fines, souvent en forme de lyre haute ou en gobelet. Le Biou dépasse rarement 130 cm au garrot (les mâles font en moyenne 125 cm et les femelles 115 cm). Son poids varie de 200 kg pour les femelles (en moyenne 250 à 450 kg (en moyenne 400) pour les mâles. Il est élevé par les manadiers pour les courses de taureaux.
Le Brave a une taille moyenne avec une hauteur au garrot de 137 cm chez le mâle et de 134 cm chez la femelle, un poids de 500 kg pour le mâle et de 350 kg pour la femelle. Le cornage est en forme de lyre basse dirigée vers l’avant. Cette race est originaire d’Espagne où elle est élevée pour les corridas. En France, les éleveurs (ganaderos) l’utilisent parfois, en croisement, dans les courses de taureaux.

La viande issue de ces animaux (mâles ou femelles) se caractérise par un faible taux de graisse, une couleur rouge soutenue, plus foncée que celle d’autres bovins. Très parfumée, elle a des caractéristiques organoleptiques proches de celles du gibier à poils. Elle bénéficie d’une AOC depuis 1996 et d’une AOP depuis 2008.

Historique

* On reconnaît déjà sur une monnaie gallo-romaine locale un « simbeu » (taureau castré) aux cornes typiques et à la cloche pendue au cou. Le plus ancien témoignage de course camarguaise remonte à 1402 en Arles. Louis Stouff, note que les nobles Arlésiens possèdent au XVème siècle de grands troupeaux de bovins qu’ils destinent à la production de viande, mais aussi aux « ferrades ». « En dehors même de tout intérêt économique, l’élevage de taureaux est un élément du genre de vie des nobles », dit-il.
Dans le Gard, le document le plus ancien attestant de la présence d’une manade est un registre notarié d’Aigues-Mortes (1472). En 1551 apparaît la première référence à la race Camargue ou Raço di biou.

* Que les « bœufs » camarguais aient été largement sauvages, c’est ce qui ressort de la description donnée vers 1560 par Bruyerin-Champier : « Les Provençaux ont des marais, où ils nourrissent de grands troupeaux de bœufs qui y paissent en pleine liberté, de sorte qu’en peu de temps, ajoute le savant médecin, ils deviennent presque sauvages, et que lorsqu’on veut les avoir, il faut beaucoup de peine et d’adresse ».
Le nombre de bêtes ainsi « élevées » se montait au début du XVIème siècle à « non moins de seize mil bœufs », note l’Arlésien Quiqueran de Beaujeu. Une carte de 1685 montre que la production est bien présente dans le Gard dans la zone des prés d’Aigues-Mortes, du Cailar et de Saint-Laurent-d’Aigouze. On y voit le gardian (homme à cheval) et son troupeau de taureaux au pied de la Tour Carbonnière.

* La réputation de cette viande est connue de Nicolas Delamare, qui écrit en 1710, dans son Traité de Police : « Il n’est pas croyable que l’on puisse manger ailleurs, de meilleur Bœuf » que dans la « Camargue d’Arles ». Toutefois, cette réputation reste locale et les exportations sont rares, regrette le lieutenant de police de Paris. En 1869, Joseph Yonnet, manadier, introduit la race Brave en Camargue. Au XIXème siècle, les jeux taurins se popularisent, sous l’influence du marquis de Baroncelli. Celui-ci  codifie les règles et le protocole des jeux équestres et taurins, tandis que des arènes sont construites dans de nombreux villages.

* Malgré cela et les croisements avec ces bovins ibériques, les effectifs du troupeau Camarguais sont dramatiquement bas. Selon le Grand Dictionnaire Universel du XIXème siècle, il ne reste plus alors que « 700 taureaux sauvages » dans toute la Camargue et Jacques Sargos évalue « à 3000 bêtes environ l’effectif de l’ensemble des manades bovines de la Basse Provence et du littoral du Languedoc » en 1910. Mais à l’époque où écrit Sargos, dans les années 40, le troupeau camarguais a repris sa croissance.
En 1992, est créée l’Association de Promotion de la Viande Bovine de Taureau de Camargue, aujourd'hui organisme de défense et de gestion de la viande AOP. Appuyée par le Parc Naturel Régional de Camargue, elle permet l’obtention de l’AOC en 1996.

Terroirs et productions

Pour que la viande bénéficie de l’AOP, les animaux doivent être nés et élevés dans des manades (élevages de Raço di Biou)  et des ganaderias (élevages de taureaux de combat) situées dans une aire géographique précise caractérisée par une forte tradition taurine et un terroir particulier. Cette zone de 500 000 hectares correspond à un demi-cercle compris entre le littoral, Montpellier, Tarascon, et Fos sur Mer, de part et d’autre du delta du Rhône, englobant des communes de 3 départements : les Bouches-du-Rhône, le Gard, l’Hérault.
Elle correspond à la Camargue proprement dite (entre les 2 bras du Rhône), et à sa périphérie dont la Petite Camargue (à l’ouest du petit Rhône), la plaine du Vistre, la Crau…
A l’intérieur de cette aire a été délimitée une « zone humide » dans laquelle les animaux doivent séjourner au moins six mois par an, sans affouragement, d’avril à décembre. Les terrains la caractérisant sont d’âge quaternaire, plats et marqués par la présence plus ou moins accentuée de sel.

Les critères de combativité et de résistance des Bious proviennent de la rudesse du milieu naturel (faible disponibilité fourragère, humidité, vent violent, insectes, chaleur estivale…).
De même, la saveur particulière de la viande résulterait des plantes présentes sur les milieux pâturés, plantes halophiles (aimant le sel) telles que salicornes, roseaux et fétuques, en milieu doux. La couleur rouge intense de cette viande, serait liée à l’alimentation alcaline des plantes halophiles que consomment les animaux. Les effectifs de la Raço di Biou sont de l’ordre de 10 000 à 12 000 animaux répartis sur une centaine d’élevages (manades).
On estime actuellement la population de taureaux de Race Brave entre 5 000 et 6 000 têtes de bétail réparties sur 30 élevages (ganaderias)
En 2007, l’INAO recensait 91 éleveurs (soit un cheptel en production de 16 000 têtes), 1 abattoir (Alazard et Roux à Tarascon), 3 ateliers de découpe ne vendant pas au détail, et situés dans la zone AOC. 1500 carcasses ont bénéficié de l’appellation.

Savoir-faire

L’élevage est extensif, moins d’1 UGB (Unité de Gros Bétail : 1,5 hectare de landes, parcours, prairies), en plein air toute l’année, avec au moins 6 mois (entre avril et novembre), sans affouragement en zone humide. L’alimentation essentielle est la pâture. Les troupeaux passent l’hiver en zone sèche, où un complément alimentaire, à l’aide du foin et des céréales originaires de l’aire géographique, peut être apporté
L’objectif principal de ces élevages doit être la sélection de cocardiers, mâles castrés capables de courir en courses libres camarguaises. La sélection est longue et les élus sont peu nombreux. Ceux qui ne sont pas retenus sont destinés à la production de viande, valorisée par l’A.O.P Taureaux de Camargue.
Même si cela n’est pas une obligation du cahier des charges, il faut noter que les éleveurs utilisent des chevaux camarguais pour le travail de manipulation du cheptel.
Sont exclus de l'AOP les animaux qui se produisent en spectacles taurins (cocardiers et taureaux de corrida)
L’abattage et la découpe doivent aussi avoir lieu dans l’aire d’appellation sauf pour les ateliers de découpe vendant directement au détail.
La viande est vendue au kilo ou sous forme de produits transformés : saucisson, terrine camarguaise, gardianne…

Usages

La viande de taureau est indissociable de la « Bouvine » (la culture camarguaise et ses traditions autour du taureau et du cheval). L’élevage est en effet surtout pratiqué en vue de jeux taurins divers, abrivado, bandido, course camarguaise (ou course à la cocarde), encierro…qui se déroulent notamment au cours des fêtes votives (fêtes patronales) des villages environnants. L’ensemble de ces manifestations ainsi que les ferrades (marquage des veaux) sont au centre de l’activité agritouristique des manades. L’AOP permet de valoriser la philosophie de qualité présente au cœur des élevages, notamment pour le maintien du système extensif, et assure de cette façon, une promotion raisonnée et durable de cette viande peu grasse, au caractère goûteux et ferme.

A travers cette appellation, les manadiers montrent leur savoir-faire ancestral, tout en maintenant l’habitat naturel et la spécificité de l’animal « sauvage ». Le Parc Naturel Régional de Camargue encourage donc cette production et « Les Prés et les Marais de la Tour Carbonnière » sont labellisés « Site Remarquable du Goût », un label qui permettra au pays de Vidourle, dans le Gard, de valoriser touristiquement le taureau, le patrimoine et les paysages agricoles qui lui sont associés.
La viande se prépare en gardiane ou en grillades (notamment « l’agrillade à la Saint-Gilloise ») et rôtis, notamment lors des fêtes champêtres et ferrades.

Préparer, Cuisiner, Déguster

  • Recettes gourmandes

Paleron de taureau de Camargue à la Saint-Gilloise
 

Ingrédients

Pour 4 personnes

- 1 kg de paleron de taureau de Camargue
- 1 boîte d’anchois à l’huile
- 60 g de cornichons
- 50 cl d’huile d’olive
- 2 gros oignons
- 25 cl de vin blanc

Préparation :

- Eplucher et couper les oignons.
- Ajouter les anchois, les câpres et les cornichons puis mixer le tout pour obtenir une pommade.
- Dans une casserole, mettre l’huile d’olive, disposer les tranches de paleron d’environ 1 cm d’épaisseur. Disposer la viande côte à côte à plat, étaler les ingrédients mixés par-dessus. Continuer la réalisation jusqu’à ce que vous n’ayez plus d’ingrédients. Ajouter le vin blanc.
- Cuire à feu doux pendant 2/3 heures. 
- Servir avec du riz de Camargue.

D’après une fiche recette « Militants du Goût » écrite par le traiteur « Le Pascalou », 30510 Generac.
 

Gardiane à la Vauverdoise
 

Ingrédients :

Pour 6 personnes :

- 1,5 kg de taureau dans la pointe de la culotte.

Préparation :

 

- Coupez la viande en gros cubes et faites-la revenir dans une cocotte avec 5 cuillérées d’huile d’olive.
- Ajoutez 4 carottes détaillées en julienne, 2 branches de céleri et un bulbe de fenouil de Florence émincés,
2 gros oignons hachés et 200 g de lard de poitrine fumé coupé en dés. Remuez à la cuillère de bois et laissez bien rissoler.
- Quand le tout est bien doré, saupoudrez de farine, laissez roussir et mouillez avec une tasse d’eau chaude et un litre de bon vin rouge (type Costières de Nîmes par exemple).
- Salez, poivrez, ajoutez 3 gousses d’ail écrasées, un bouquet garni, un zeste d’orange, 3 cuillérées à soupe de concentré de tomates.
- Couvrez la cocotte et laissez cuire à petit feu pendant trois heures, au cours desquelles vous ajoutez
si besoin est, une ou deux louches d’eau chaude au cas où la sauce serait trop réduite.
- Ce temps de cuisson écoulé, ajoutez 200 g d’olives noires, dénoyautées dans la cocotte et laissez cuire encore un quart d’heure, le temps nécessaire pour faire cuire, dans deux fois son volume d’eau bouillante salée, du riz longs grains de Camargue (300 g).
-  Ce dernier quart d’heure écoulé, retirez la cocotte du feu, complétez la sauce avec 2 cuillérées à soupe de beurre fondu que vous aurez préalablement pilé avec 3 filets d’anchois à l’huile jusqu’à obtenir une pâte très fine à laquelle vous incorporerez une cuillère à café de pastis.
- Servez la gardiane dans un plat creux et le riz à part.

D’après « la cuisine du soleil »

 

 

SOURCES
- « L’inventaire du patrimoine culinaire de la France, Languedoc-Roussillon, produits du terroir, Editions Albin Michel CNAC - 1998
- http://www.alazard-roux.fr/filiere-taureau-methodes.html
- http://www.pays-vidourlecamargue.fr/media/file/dossier-definitif-et-complet.pdf
http://www.agroparistech.fr/svs/genere/especes/bovins/brave.htm
www.bovin13.com/dl/bovins13_Camargue.pdf
- Histoire : source principale, inventaire CNAC cité ci-dessus, dans lequel figurent les auteurs et ouvrages mentionnés
Recettes :
- www.gard.fr/fileadmin/Documents/site militant_du_gout/recettes27b.jpg,
- “La cuisine du soleil”, Simone Lheureux, éditions Lacour - 1986

 

PHOTOS
- Gardiane, Autres (Des bious à Saint-Laurent-d’Aigouze en février ; La tour Carbonnière ; Ferrade) : Lycée Agricole Marie Durand.