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Un nouvel art de vivre - La France gastronomique - La modernisation

 

Le siècle débute sous l'âge d'or de la gastronomie où Paris est le centre créateur de la cuisine.
Sous le feu de l'exposition universelle, des grandes innovations, des premières automobiles, la première moitié du XXe siècle est marquée, malgré les deux guerres, par la liaison du tourisme et de la gastronomie.
Peu à peu se met en place une véritable industrie hôtelière. Ce faisant, les manières de table et le goût français deviennent le modèle international.
C'est au cœur de la France que l'on recherche et découvre désormais les trésors gastronomiques jusque-là quelque peu négligés.

 

 


 


Terrasse de l'hôtel Ritz - Paris 1908

Un nouvel art de vivre

  • La naissance du tourisme

Partant de Paris, où il est né, ce nouvel art de vivre rayonne sur la France, l'Europe et les Amériques selon un triple itinéraire aquatique : villes d'eaux, stations balnéaires et paquebots de ligne et de croisière.
Le développement rapide de l'automobile et des chemins de fer à partir des années 1900 réduit les distances et contribue à l'essor d'un tourisme naissant.
Palaces, casinos, théâtres s'érigent dans toutes les stations pour le plus grand plaisir de l'aristocratie européenne.
Cuisiniers, maîtres d'hôtel, directeurs de restaurant sont français ou de formation française.
A partir de ces palaces se propagent les manières de tables et l'ouverture de la première école hôtelière à Nice en 1915 va fixer les règles de service.
* Le service « à la Russe » ou au guéridon va s'adapter au restaurant avec des variantes.
* Le service « à la Française » se « modernise » où le serveur présente le plat au convive qui se sert lui-même.
* Pour le service « à l'Anglaise », le serveur passe les plats et sert lui-même les convives à l'aide d'une pince formée d'une fourchette et d'une cuillère.
Mais le raffinement et le rayonnement international de la grande cuisine Française a aussi ses détracteurs, comme l'académicien Marcel Prévost qui mène une croisade contre ce qu'il appelle le « Krach de la table ».
En somme ce qui choque certains, c'est le cosmopolitisme de la cuisine française, à une époque où le sentiment nationaliste s'intensifie : la guerre de 14-18 n'est pas loin.

  • Auguste Escoffier, le grand codificateur

A l'origine des grandes transformations en cuisine depuis la période de la Grande Guerre, en particulier dans l'ordonnance des menus et dans la préparation des plats, Auguste Escoffier innove en considérant qu'un bon repas devait être tout aussi agréable à déguster que léger à le digérer.
L'art culinaire, en ce début du XXe siècle, va grâce à lui, connaître un vaste mouvement de simplification, d'allégement et de développement des recettes.
Il dote la cuisine d'une classification sophistiquée, qui va permettre la multiplication du nombre de formules. Il a, le premier, limité la richesse des préparations et montré que la valeur gastronomique d'un plat n'était que le résultat de la qualité de ses matières premières, des connaissances techniques du cuisinier et de son amour pour le métier. Il a éliminé la farine des sauces, inventé les fonds et les glaces de viande.

Organisateur, face à l'exigence et au besoin de rationnaliser le temps, c'est lui qui a mis au point l'organisation des brigades de cuisine telles qu'elles existent aujourd'hui.
Dans son guide culinaire, il engage une restructuration de la cuisine classique pour "mieux l'adapter, dit-il, aux impératifs de la vie active de la clientèle de cette époque", continuant d'appliquer les principes qui ont valu à la France de devenir le pays de la gastronomie par excellence.
Après Escoffier, quel avenir pour le renouveau de l'art culinaire ? Dans la cuisine régionale !
Les guerres de 14-18 et de 39-45 privent les palaces de leur clientèle.
Les congés payés de 1936 permettent à de nombreux petits bourgeois et travailleurs de visiter la France et de découvrir ses régions.

 

 

C'ETAIT QUAND AU FAIT ?

Les hommes politiques :

Sous la 3ème République :
. 1899 - 1906 : Emile Loubet
. 1906 - 1913 : Armand Fallières
. 1913 - 1920 : Raymond Poincaré
. Février à Septembre 1920 : Paul Deschanel
. 1920 - 1924 : Alexandre Millerand
. 1924 - 1931 : Gaston Doumergue
. 1931 - 1932 : Paul Doumer
. 1932 - 1946 : Albert Lebrun
Sous la 4ème République :
. 1947 - 1954 : Vincent Auriol

Les innovations :
. 1900 : Premier Guide Michelin
. 1909 : Premier grille-pains par la compagnie Général Électrique
. 1925 : Première AOC fromagère : le Roquefort
. 1923 : Premier salon des Arts Ménagers
. 1928 : Invention du procédé de congélation par Clarence Birdeye
. 1928 : Naissance des magasins populaires
. 1948 : Premier libre-service de France
. 1949 : Premier journal télévisé
 
 

 
 LES GRANDS GOURMETS
DE CETTE PERIODE
 

. Prosper Montagné et Prosper Salles, chefs et auteurs culinaires

. Auguste Escoffier, le « roi des cuisiniers, le cuisinier des rois »

. Edmond Richardin, critique gastronomique

. Théodore Gringoire et Louis Saulnier, auteurs culinaires

. Maurice Edmond Sailland dit Curnonsky, prince des gastronomes, chroniqueur et auteur culinaire

. Edouard Nignon, cuisinier des célébrités de son temps

. Henri-Paul Pellapras, chef de l'école "Le Cordon Bleu"

 

En descendant sur la Côte d'Azur


 

La cuisine d'André PIC des années 30

La France gastronomique

Les gastronomes découvrent avec passion la cuisine régionale.
Sur la nationale 7, les Parisiens fortunés prennent l'habitude de s'offrir des étapes de découvertes et de plaisir gastronomique.
Le premier guide Michelin est publié en 1900.
En 1912, le Club des Cent (une association gastronomique parisienne) s'est donné pour mission « de défendre en France le goût de notre vieille cuisine nationale, menacée par les formules chimiques importées de pays où l'on a jamais su préparer même une poule au pot ». Il souhaite avoir la « liste complète des seules bonnes auberges, des seules boites bien françaises où l'on mange de très bonne choses dans de la vaisselle propre avec du linge bien blanc ». Ce mouvement, amorcé avant la guerre de 1914, trouve son plein essor dans les années 1920.
Les étoiles de « bonnes tables » font leur apparition en 1923 dans le Guide Michelin.
Les confréries gourmandes se développent.

La gastronomie régionale est mise à l'honneur sous la plume de Maurice Edmond Sailland, dit Curnonsky (ici à droite), qui publiera de nombreux ouvrages à succès, dont l'un, en association avec Marcel Rouff, « La France gastronomique » en 28 volumes.

L'entre deux guerres voit donc le succès des tables provinciales, bientôt promues au rang de tables mythiques, comme celles d'Eugénie Brazier à Lyon (ici à gauche), d'Alexandre Dumaine à Saulieu, de Fernand Point à Vienne, d'André Pic près de Valence, de Raymond Oliver à Paris et de bien d'autres encore...
 

 

Cette première partie du siècle est aussi celle du triomphe de la cuisine bourgeoise, comme en témoigne le succès éditorial du « je sais cuisiner » de Ginette Mathiot, constamment réédité et actualisé depuis 1932.


        


            
           

    

C'est aussi l'époque où se développe et se diversifie la presse culinaire

La modernisation

La révolution industrielle de ce début de siècle transforme les habitudes alimentaires.
Des produits comme les farines, les huiles, le sucre, le vinaigre... autrefois fabriqués de façon artisanale vont l'être par des minoteries, huileries, raffineries... L'industrie agro-alimentaire élabore de nouveaux aliments ou condiments prêts à être mangés (moutarde, viandox, confitures, conserves de fruits et légumes...).
La banalisation des distributions d'eau, de gaz puis d'électricité vît l'émergence de la modernité. De simple pièce à vivre, « la » pièce de réception ne sera pas un salon comme dans la « haute » mais la salle à manger où des rituels sociaux vont s'instaurer.

A « l'art de la cuisine » chère au XIXe siècle, se substituent bientôt les « Arts Ménagers », qui tiennent salon à Paris dès 1923 au Grand Palais, et où un public aussi attentif que nombreux découvre les premiers réfrigérateurs domestiques (1923), les premières marmites à vapeur (1927), la cuisine au gaz et en particulier au gaz propane (1933) ou encore les robots ménagers (1936).
Les années 30 et 40 mèneront vers une inévitable simplification des menus.
Au début du XXe siècle, la boucherie et, plus tard, les épiceries "Félix Potin, on y revient" deviennent des endroits de plus en plus populaires, où les femmes peuvent se procurer des denrées.
En 1948, s'ouvre le 1er magasin en libre service "Goulet Turpin" rue André Messager, dans le 18ème arrondissement de Paris. Le succursaliste Goulet-Turpin fait office de pionnier devant des ménagères intriguées par ce concept révolutionnaire.
Quant aux bourgeoises de la ville ou de la campagne, elles confient la majeure partie des achats et des tâches ménagères à des domestiques et cuisinières.

Les repas se prennent selon les activités professionnelles principalement, alors que les grands événements (repas du dimanche, fête de Noël, repas de fiançailles..) maintiennent les traditions. En 1950, la cuisine quotidienne, la cuisine du marché demeure. Que ce soit en famille ou au restaurant, on cuisine longuement et quotidiennement au rythme des saisons des menus composés généralement de 3 ou 4 parties.



  

   
Une cuisine ménagère en 1935

 


"Les Arts Ménagers" au Grand Palais

 


1er magasin en libre service - Paris 1948


 

Les inventions, ainsi que le développement de l'industrie agro alimentaire conduisent à réduire le temps consacré à la préparation des repas : pour beaucoup, cuisiner cesse d'être une « corvée » pour devenir ce qu'on appelle aujourd'hui un « loisir créatif ».

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